Article de Francesco Aldaresi sur le Guide de la Sicile

 

 

GUIDE DE LA SICILE

 

Ouvrage de Giovanna Power, née Villepreux

Naples – Cirelli – 1842

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Article de Francesco Aldaresi

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Transcription libre d’après la traduction reçue de Michel Devouge

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       Qu’il est agréable d’annoncer au public la parution du nouveau « Guida per Sicilia » de Giovanna Power, un nom des plus connus parmi les scientifiques italiens et étrangers, un nom qui évoque l’étude des sciences de la nature. L’œuvre que nous découvrons aujourd’hui est la plus complète et la plus exacte qui soit,  et si le mérite de tout auteur est d’ajouter, corriger, transformer et améliorer, ce qu’a fait Giovanna Power est de première importance ; il suffit de comparer son ouvrage aux autres pour constater à chaque page, ou mieux à chaque paragraphe, combien ce que nous disons ici est justifié.

        Puisque nous avons l’obligation ici d’être bref, nous nous limiterons à un court résumé du plan général de l’ouvrage.

        Giovanna Power brosse un bref et succinct portrait de notre Histoire ainsi qu’il convenait qu’elle fasse, et elle a fait de même pour les villages visités.

        On sait que l’Histoire des pays se retrouve dans leurs monuments, que les vicissitudes politiques et civiles des peuples laissent une empreinte dans leurs œuvres matérielles aussi bien que dans l’esprit de leurs descendants ; que, d’une manière réciproque, les monuments et la civiliation sont des révélateurs et des témoignages de cette même histoire. Sans rien savoir de leur passé, les Catacombes, la magnifique Vénus de Syracuse, le Théatre de Taormine, et les ruines des gigantesques Temples de Girgente, suffisent à prouver la grandeur et le haut degré de civilisation des peuples qui vécurent, il y a longtemps, dans ces sites siciliens.

        L’auteur commence son ouvrage au départ de Messine, comme le ferait un voyageur, et suit la configuration de la Sicile. Elle décrit en quelques lignes chaque village rencontré pendant sa descente le long de la côte méridionale, ainsi que les villages des alentours, et elle parle avec une grande érudition des hommes illustres qui ont vécu là ou qui y vivent encore, des productions du pays tant industrielles que naturelles . L’auteur passe en revue les monuments, les monnaies, les bibliothèques, les musées, les sites pittoresques, et tout ce qui présente de l’intérêt aux yeux de l’amateur des sciences de la nature. Ne sont pas oubliées les statistiques, la démographie, ni même les meilleurs hôtels, les transports, les postes, les foires, les bateaux à vapeur, les routes, les communications, etc.

       Quiconque viendra visiter la Sicile trouvera dans ce guide tout ce qu’il peut souhaiter y trouver d’utile et de nécessaire ; et, étant donné la foule de renseignements fournis, nous pouvons dire qu’avec un pareil ouvrage dans les mains l’étranger n’aura aucun besoin de consulter des guides professionnels moins au fait que quiconque de la réalité sicilienne.

       Ce qui rend l’ouvrage encore plus complet, c’est que la partie scientifique y est soigneusement traitée, ainsi qu’on aurait pu l’espérer des autres voyageurs qui n’ont donné que de brefs aperçus sur le sujet, aperçus souvent remplis d’erreurs aussi grossières qu’excessives. C’est bien la partie du travail que pouvait réaliser le mieux notre savante auteur justement experte en Zoologie, Minéralogie et Botanique. Giovanna Power a enrichi son itinéraire par la présentation de beaux tableaux de Conchyliologie, Ichtyologie, Ornithologie, Botanique, avec, en plus, des indications pour en découvrir des spécimens, les sites où on peut les trouver et la manière de se les procurer. Elle présente de même une statistique sur les régions boisées de l’Etna ainsi que la chronologie des éruptions connues à ce jour de notre étonnant volcan.

        Les termes zoologiques et botaniques sont accompagnés des glossaires et lexiques correspondants, ce qui est des plus utile pour les curieux des choses de la nature, ainsi que le comprend très bien celui qui pratique ces sciences.

        L’auteur n’omet pas de citer les sources d’où elle a tiré une telle abondance de renseignements. Il s’agit principalement d’ouvrages italiens, ce en quoi elle s’est montrée fort avisée si l’on considère ce que l’on trouve dans des ouvrages étrangers plein d’opinions prétentieuses prouvant le chauvinisme de leurs auteurs, et cela au détriment de la description des fait réels. Leur arrogance doctrinaire leur laisse croire qu’ils sont des puits de science de leur pays d’origine, comme les Chinois qui pensent que le monde extérieur à la Chine est bien peu de choses, et ils considèrent nos œuvres comme sans intérêt. Il n’est donc pas étonnant que, sur cent assertions, il n’y en ait pas plus de deux qui correspondent à la vérité et qui soient exprimées correctement. L’accumulation de tant d’erreurs grossières porte à rire à gorge déployée ou, au contraire, fait monter la moutarde au nez.

        L’ouvrage est accompagné de trois cartes topographiques de Syracuse, Girgente et Selinonte, auxquelles vient s’ajouter une superbe carte de la Sicile avec ses divisions en provinces, districts et cantons, telles qu’elles sont fixées par la législation en cours. Il s’y ajoute les routes aussi bien construites qu’en construction.

        Nous ne pouvons omettre de signaler le mérite qui revient à ce livre pour l’authentique et impartiale justice qu’il rend aux Siciliens, justice qui leur a été si longtemps ingratement refusée. Nous avons même été vilement calomniés et affublés de coutumes qui ne sont pas les nôtres, alors qu’on s’attribuait à notre place une civilisation qui nous met pourtant au rang des nations européennes les plus cultivées.

        La justice et la vérité se retrouvent sous la plume de la grande Giovanna Power qui, en honorant les Siciliens, a fait rougir de honte nos détracteurs. Elle mérite à juste titre notre gratitude et nos éloges pour sa nature noble et généreuse, dépourvue de cet orgueil qui remplit l’esprit de vampires étrangers qui se croient autorisés, parce qu’ils appartiennent aux nations de première grandeur que sont l’Angleterre ou la France, à minimiser par le blasphème et le mensonge une île qui n’a que le tort d’être plus petite que l’Angleterre ou moins peuplée que la France.

        Tous nos remerciements à Giovanna Power. Que son exemple soit suivi, tant d’un point de vue intellectuel que moral, par qui que ce soit d’autre qui souhaite nous étudier ainsi que nos coutumes et ce qui nous est propre ; qu’il apprenne de l’âme noble d’une Femme (*) comment doivent s’estimer les choses et les sentiments.

        Les limites d’un journal ne permettant pas de s’étendre davantage et de décrire plus longuement les mérites de cet Ouvrage à tous points de vue remarquable, ce qui aurait pris trop de temps, nous conclurons en rendant un ultime hommage à Giovanna Power pour sa clarté de femme lettrée et de femme de science.

 

Francesco Aldaresi.

 

(*) La majuscule est dans l’original.