«La Dame de l'argonaute» de Claude DUNETON est l'histoire de Lili, belle âme et belle femme, traverse le XIXe siècle et l'éclaire. Une féerie réaliste.

Quelle fraîcheur a ce roman-là ! La fraîcheur de l'ingénuité quand elle favorise une intelligence du monde, celle de la curiosité tournée vers la connaissance, et celle des cœurs francs. Telle est d'ailleurs, parée de ces qualités naturelles, Lili Villepreux, l'héroïne dont Claude DUNETON, avec tendresse autant qu'érudition, nous raconte le destin d'exception. Et voilà une histoire qui nous comble du plaisir de voir récompensée une belle âme. Ce n'est pas que tout réussit à Lili, c'est qu'elle réussit tout. Aimable, jolie, intelligente, modeste, curieuse, sensible à la beauté, délicate envers les autres, de plus en plus cultivée, heureuse de vivre, la jeune fille met de la bonne grâce en tout. Il y a là du merveilleux et le lecteur en sort comme baba à double titre : admiratif de la belle personne et du bel ouvrage qui la peint.

La Dame de l'argonaute est le récit captivant de l'accomplissement personnel (intellectuel, humain et social) d'une jeune fille dont la vertu (c'est bien le mot) fait impression.

Elle naît en Corrèze en 1794, vient à Paris en 1812, traverse l'adversité avec droiture et saisit sa chance. Au milieu des souvenirs de la grande Terreur et dans la misère que provoquent les guerres napoléoniennes, elle déploie sa jeunesse et son talent. Sa réussite éclate à la Restauration : elle brode la robe de mariée de la duchesse de Berry.

La vie n'est pas courte

Mariée par amour à un riche négociant anglais (qui a goûté le vêtement comme une œuvre d'art), elle part vivre en Sicile où, réceptive et observatrice, elle renouvelle sa curiosité : adopte l'italien comme langue de cœur, devient naturaliste et se met à écrire. Après d'autres voyages, elle mourra en Corrèze quelques mois après Sedan. Successivement Lili Villepreux, puis Jeannette, puis Jeannette Power née de Villepreux, elle s'élève dans tous les mondes, celui des ouvrières, celui des artistes, le beau monde et le monde scientifique. Jeune paysanne, apprentie pauvre, main d'or dans une prestigieuse maison de couture, dessinatrice créative, épouse émancipée dans un mariage anglo-saxon, première femme océanographe, conceptrice de l'aquarium… le sourire vient aux lèvres en lisant son histoire : oh non, la vie n'est pas courte, la vie donne plusieurs vies, à cœur vaillant rien d'impossible…

Avec cela, l'auteur illumine la réalité qu'il décrit par le bonheur évident qu'il prend à la connaître. Bien des mouvements du monde nous sont montrés : événements culturels, transformations urbaines, odeurs de la ville et de la campagne, détails pratiques divertissants, disettes et météo, revirements politiques et conjurations (le résumé des Cent Jours est sublime), exécutions capitales, industries anciennes et métiers disparus, points de broderie, langage de la rue et manuel de politesse, calendrier des fêtes, droit du travail et de la famille. Notre passé se trouve ressuscité.

Roman passionnant et édifiant, voilà le travail d'un érudit qui n'oublie rien de ce qu'il sait mais nous le raconte avec tant d'art qu'il est encore plus romancier que savant. À cela s'ajoute l'originalité de son traitement, à la fois historique et romanesque : le livre s'embarque en roman autour de Lili et s'achève en travail sur les sources autour de Jeannette. Cela confère au récit une force de vérité peu commune.

Il neigeait à gros flocons sur Paris quand je lisais ce livre dont le titre gardait encore son mystère. Je pensais aux vers du poète : « Qu'il est doux d'écouter des histoires, Des histoires du temps passé (…). Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé. » Coïncidence que n'ignore sûrement pas Claude DUNETON : Alfred de Vigny était l'exact contemporain de Lili Villepreux.

La Dame de l'argonaute de Claude DUNETON Denoël, 500 p., 20 €.

Alice FERNEY     Le 5 Mars 2009

"Claude DUNETON au pays de Jeanne VILLEPREUX."

Après un passage très apprécié le 2 Mai au Centre Culturel de BRIVE, Claude DUNETON s'est rendu à JUILLAC le lendemain pour une" conférence – causerie "à l'occasion de la sortie de son dernier livre "la Dame de l'Argonaute" .

La Salle des Fêtes a accueilli ses nombreux admirateurs, fervents, fideles, qui suivent son travail, souvent depuis des années, et entretiennent avec lui des rapports chaleureux.

Il a su avec l'humour, la vivacité d'esprit, et l'érudition qui le caractérisent , tenir son public en haleine, sans dévoiler toutefois le contenu de cette biographie romancée consacrée à une des femmes la plus remarquable du 19^ème siècle: Jeanne VILLEPREUX – POWER née à Juillac en 1794.

Claude DUNETON est un historien accompli qui connait sur le bout du doigt cette période "clé "de l'histoire de Jeanne : celle où, "montée" à Paris à pieds, derrière un troupeau de vaches, en 1812, elle va devenir en quatre ans une brodeuse émérite, capable de concevoir en 1816, la robe de mariage de la Duchesse de Berry (Dernier mariage princier dans une période extrêmement troublée…)

Claude se décrit comme un tapissier cherchant à refermer les trous laissés par la biographie incomplète de Jeanne.

Il se vit comme une patiente "Arachné" qui tisse des liens permettant de reconstruire les "manques", de trouver une explication à ce mystère. Cette énigme, Claude DUNETON nous en suggère une explication si fine et judicieuse qu'on referme son livre en étant convaincu que c'est la seule hypothèse possible : Tour de magie d'un écrivain cultivé, passionnant et passionné qui plonge le lecteur dans la curiosité et lui fait connaitre une nuit blanche…

Travailleur acharné et méticuleux il lui a fallu trois ans pour terminer ce livre de cinq cent pages : vérifiant chaque détails, chaque expression de langage, chaque événement politique dans une période houleuse, il ne laisse rien au hasard. Ainsi il n'a pas hésité à re-parcourir le trajet Juillac–Paris pour vérifier les étapes d'un troupeau et il est même allé dans un atelier de broderie pour apprendre les différents points utilisés ….

Etayant son récit d'exemples tirés de sa propre vie il a subjugué et séduit son auditoire qui pouvait enfin comprendre les différentes et nombreuses facettes de la construction d'un roman. Il n'a pas hésité à replacer la vérité et à rendre à l'histoire son véritable visage : décrivant "l'ogre Napoléon" plus proche du tyran dictateur que du héros salvateur.

Ce livre construit avec la rigueur d'un scénario donne envie d'imaginer une suite, si possible un film, tiré de l'histoire fabuleuse de cette petite corrézienne, douée aussi bien pour les Sciences que pour les Arts (elle a inventé les aquariums et elle accompagnait ses recherches de beaux dessins aquarellés).

C'est donc un livre à recommander: les auditeurs de la conférence ne s'y sont pas trompés en emportant pour eux et pour offrir à leurs amis, le livre dédicacé par Claude DUNETON. Et la jeune quincaillière de Juillac qui a épuisé le stock qu'elle avait commandé chez DENOEL n'a pu que se féliciter du retour au pays de l'enfant prodigue…

Il faut espérer que bientôt Jeanne VILLEPREUX-POWER retrouvera sa place dans le très petit panthéon réservé aux Femmes… Il serait urgent de donner son nom à un lieu de prestige: lieu de culture, médiathèque, école, parc ou belle avenue.

Il serait aussi intéressant de pouvoir célébrer son retour à la lumière avec la sculpture allégorique en bronze et pierre, prévue par ANNE-LAN, elle permettra de lui assurer, si possible, de ne pas retomber dans l'oubli. Projet qui n'a pas pu, malheureusement, trouver encore son financement total…

Jeanne cependant commence à prendre son envol. Le 23 Avril, le Dr VAST, Président de l'Aquarium du Limousin l'a présentée, avec un très grand succès, à un important Congrès à Bordeaux.

Et Dimanche matin, l'assemblée Générale de l'Association Jeanne VILLEPREUX–POWER a détaillé les très nombreux projets d'expositions la concernant jusqu'à la fin de l'année…

Merci infiniment à vous tous qui nous aidez à faire ce travail de communication, si important pour l'information des lecteurs. Dimanche il y avait une très longue file à la signature et je me sentais heureuse pour Claude DUNETON a qui j'avais demandé ce gros travail.

Avec mon chaleureux souvenir.

Anne Lan

Présidente de l'Association Jeanne Villepreux-Power