Lettre du professeur C. Maravigna sur l'étude des coquillages fossiles

 

 

 Commentaires sur le mémoire de Madame Jeanne Power     

 

 consacré à l’étude des coquillages fossiles des environs de Milazzo

 

 ( Extrait de « l’Innominato », Année n°2, n°12)

 

 

 

Par le Professeur C.MARAVIGNA : Membre de la Société Géologique et

Entomologique de France, de la Société Naturaliste de Leipzig

 

Sociétaire correspondant de l’Académie R. de Turin

 

Messine, le 9 août 1837

 

 

  

        Etant honoré de la charge de présenter à l’Académie Gioenia des Sciences naturelles de Catane le mémoire signé par l’illustre Madame Jeannette Power, membre correspondant de cette Académie, je crois être utile aux amis des sciences naturelles en publiant ce travail qui m’a été confié. 

 

        Madame Power, ne se contentant pas de démontrer par d’ingénieuses expériences que le mollusque Argonaute Argo trouvé habituellement dans sa coquille en est l’artisan (1), et ne se contentant pas des honneurs reçus pour sa résection des membres sectionnés des mollusques « Triton nodiferum », et « Murex truncatus », ainsi que de mollusques voisins (2), nous offre un catalogue qui représente un beau travail sur les fossiles qu’elle a trouvés au Cap de Milazzo ; travail précieux puisque il nous permet de mieux connaître certains fossiles de notre île.

 

        L’illustre dame nous rappelle que l’étude des fossiles d’origine animale est du plus grand intérêt pour la connaissance de la géologie et qu’ils permettent de lever le doute sur la détermination des terrains et sur leur formation, et que nous devons honorer le célèbre Brocchi pour avoir le premier décrit et étudié les coquillages fossiles « subappennins ». L’illustre dame insiste sur l’importance de ses découvertes et s’étonne que l’Académie, occupée à d’autres études d’orogénèse (orittognosia ?) et de géologie, laisse de côté celle des fossiles de notre île qu’il est si utile de connaître, surtout compte tenu de son exactitude.

 

        Qu’il me soit permis de rappeler ici à l’illustre dame que l’Académie Gioenia est encore bien petite et que ses membres ne sont pas restés les bras croisés car, même s’ils n’ont pas encore étudié les fossiles de la Sicile, ils ont largement contribué à l’étude de nombreuses autres branches de l’histoire naturelle de leur patrie.

    

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(1) Le mémoire qui contient le résultat de cette recherche sera inséré dans le Volume XII des actes de la Gioenia qui se trouve sous presse.

 (2) Le mémoire détaillé de cette recherche sera publié dans le volume XIII des actes de l’Académie en question.

 

 

  

        Madame Power nous fait donc savoir que les fossiles étudiés se trouvent vers le centre du Cap de Milazzo, à environ un demi mille, dans la route, et, précisément, près du terrain de Monsieur Salvatore Lisi. Ils sont dans du sable calcaire composé de miettes de coquilles qui se trouvent collées, lesquelles servent aussi de ciment à des coquilles entières en grappes plus ou moins volumineuses. On trouve, agglomérés dans ce sable, dans des groupes testacés, des morceaux du gneiss qui constitue la roche primitive de la contrée.

 

        Les coquillages qui nous occupent appartiennent, suivant l’avis compétent de la naturaliste, à la période quaternaire et l’on a tendance à lui donner raison vu l’état de conservation de ces coquillages et leur ressemblance parfaite avec ceux que l’on trouve dans la mer de Sicile.

 

        Mais ces coquillages gisent dans un calcaire compact à gros grains gris qui contient des intérieurs de coquilles appartenant au groupe pectunculus et cardium qui datent certainement du tertiaire.

 

        Néanmoins, ce calcaire du tertiaire se trouve sur le gneiss auquel il adhère, de sorte que si l’on veut casser le calcaire à certains endroits, on casse aussi la roche primitive a laquelle il est joint.

 

        Madame Power présente ensuite le catalogue des espèces fossiles retrouvées en ce lieu, classées selon le système de Cuvier ; espèces qui appartiennent presque toutes à celles qui vivent encore aujourd’hui dans nos mers, telles que « la natica glaucina et lepuncata, le conus francis-canus et mediterraneus, le buccinum mutabile, la venus verrucosa, la citherea chione, exoleta, etc, etc. »

 

        Les personnes qui désirent connaître toutes les espèces découvertes par l’illustre naturaliste Jeannette Power pourront consulter le catalogue (3) qui contient le texte original envoyé à la Gioenia et qui sera certainement publié dans les Actes de cette Société.

 

        Je déteste les basses flatteries, je ne m’y suis jamais abaissé, mais je ne refuse pas de rendre un juste hommage à ceux qui le méritent.

 

        Et quoique ma patrie n’ait rien à envier à aucun pays de la Sicile en matière d’histoire naturelle, j’envie la belle, florissante et docte Messine où réside une Power.

  

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(3) J’ai pu observer la collection des coquillages de Madame Power énumérés dans le catalogue, dans sa maison, lorsque j’habitais Messine ; j’ai également eu le plaisir d’admirer son cabinet d’histoire naturelle qui renferme des échantillons très intéressants pour notre histoire naturelle sicilienne en particulier.