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- Mis à jour le dimanche 16 février 2014 17:28
Observations sur les chenilles et les papillons
« Observations et expériences physiques sur plusieurs animaux marins et terrestres »
de Jeanne Villepreux-Power (Extrait : Chenilles et papillons)
… MESSINE est le centre de la plus grande partie des productions naturelles de la Sicile ; sa province en contient beaucoup en minerais, fossiles, agates, diaspres, plantes rares, oiseaux de passage et sédentaires, reptiles ; dans les bois près de la ville on trouve beaucoup d’insectes, circonstance qui facilita, pendant l’espace de 15 ans, mes études sur les papillons depuis la naissance des chenilles jusqu’à la sortie du papillon de sa chrysalide. Pour plus de deux cents espèces, je notai tous les détails du temps qu’elles employaient, soit à leur croissance, soit à leur changement de robe, les variétés de leurs chrysalides ainsi que le temps écoulé avant la sortie du papillon ; je pris les dessins des chenilles, de leurs chrysalides et des papillons.
Parmi tant de faits qui signalent le phénomène de leur métamorphose, en voici un curieux : pendant plusieurs années, une espèce parmi mes chenilles ne formait jamais de chrysalides et mourait, lorsque je m’aperçus que plusieurs de ces chenilles ne mangeaient plus et rôdaient autour de leur compartiment ; je les pris et les déposai dans la campagne près d’un mur à la base duquel il y avait des herbes ; elles cherchèrent entre ces herbes jusqu’à ce qu’elles eussent trouvé ce qu’il leur fallait. Je ne les perdais pas de vue ; peu d’instants après, elles avaient coupé les tiges d’une plante qui porte des épis (1) ; elles fixèrent toutes les petites feuilles de l’épi sur leur corps et unirent le bout de la tige à l’extrémité de leur corps ; on ne distinguait pas l’épi qui contenait la chenille des autres épis tant il était bien imité. Les chenilles employèrent moins d’une heure à cette opération ; une heure après je pris un des épis par la tige ; il paraît que cela contraria la chenille car elle le secoua avec violence ; je ramassai les trois autres et les déposai dans leur compartiment qui était, comme tous les autres, numéroté ; j’y ajoutai la date. Trente-cinq jours après, un joli papillon sortit d’un épi, le jour suivant deux autres, le quatrième était mort dans l’épi.
Les papillons sortent très humides de leur chrysalide et leurs petites pattes tremblent sous le poids de leur corps ; leurs ailes sont pendantes, mais peu à peu ils se raffermissent sous leurs pattes ; leurs ailes se relèvent : une heure après, leur beauté apparait, ils ne grandissent pas après leur naissance. Trois heures après leur sortie de la chrysalide, je fixai leurs ailes sur deux morceaux de verre, l’un naturellement, l’autre à l’envers, et piquai leur corps sur du liège, puis leur passai sous le corps avec un pinceau de la liqueur dont je me servais pour embaumer des animaux ; cette liqueur les tuait immédiatement et les préservait des insectes rongeurs qui les attaquent et les font tomber en poussière ; on ne peut se faire une idée de la beauté, de la fraîcheur et des couleurs brillantes des papillons ainsi traités ; ceux qu’on prend avec des filets de gaze ou autres perdent quantité de leur duvet outre celui qu’ils ont déjà perdu en voltigeant dans les campagnes. …
(1) Cette plante appartient à la famille des graminées. Sa tige a à peu près 16 centimètres de longueur et 5 millimètres de circonférence ; l’épi mesure 3 centimètres en longueur ; le coeur de l’épi 11 millimètres de circonférence, elle est couverte de petites feuilles un peu concaves et pointues,dont la longueur a 7 millimètres et 2 en largeur, végète sur les terrains secs et calcaires de la Sicile ; il m’a été impossible de la trouver ni au Jardin des Plantes, ni aux alentours de Paris.